Afrique de l’Ouest : un état des lieux des associations des autorités locales
C’est le sujet de l’étude que j’ai effectué dans le cadre du projet mené par Platforma au sein du programme ANE/AL et qui a porté sur les pays suivants d’Afrique de l’Ouest : Benin, Burkina Faso, Cap Vert, Côte d’Ivoire, Gambie, Ghana, Guinée, Guinée Bissau, Liberia, Mali, Mauritanie, Niger, Nigeria, Sénégal, Sierra Leone, Togo.
L’étude présente la structure, les objectifs et les moyens des associations nationales d’autorités locales de ces pays, grâce aux informations que j’ai pu collecter auprès de leurs responsables.
Je tiens à remercier chaleureusement la très active collaboration des dirigeants des ces associations et notamment de leurs Présidents et de leurs Secrétaires Généraux, sans qui cette étude n’aurait pu être réalisée. Je ne pourrai malheureusement pas tous les mentionner mais j’espère qu’ils se reconnaitront dans ce message.
Un remerciement que je souhaite également adresser aux collègues de CGLU et CGLU Afrique qui ont eu la lourde tâche de rassembler et ensuite valider toutes les informations afin de les insérer dans le Rapport Global sur les associations d’autorités locales à remettre à la Commission Européenne.
Voici la liste des associations nationales ayant fait l’objet de l’enquête :
- Benin : Association Nationale des Communes du Benin
- Burkina Faso : Association des Municipalités du Burkina Faso
- Cap Vert : Association Nationale des Municipalités de Cap Vert
- Côte d’Ivoire : Union des Villes et Communes de Côte d’Ivoire
- Gambia : Gambia Association of Local Government Authorities
- Ghana: National Association of Local Authorities of Ghana
- Guinée: Association Nationale des Communes de Guinée
- Guinea Bissau : Commission d’installation de l’Association des autorités locales
- Mali: Association des Municipalités du Mali
- Mauritanie : Association des Maires de Mauritanie
- Niger: Association des Municipalités du Niger
- Sénégal : Union des Associations d’Elus Locaux du Sénégal
- Sierra Leone : Local Councils Association of Sierra Leone
- Togo : Union des Communes du Togo
Dans mes interviews et échanges avec les responsables de ces associations j’ai pu constater l’environnement et les conditions de travail, très difficiles, ainsi que l’attachement des représentants de ces associations à leur mission en faveur du renforcement des autorités locales, même si le manque de ressources financières et humaines est criant.
Un fil conducteur lie la réalité de ces associations : une législation et un cadre peu propice à la décentralisation, l’incapacité des membres (volontaires) à remplir leur devoir de paiement des cotisations d’adhésion, l’insuffisance des ressources financières et donc humaines, le besoin de formation, à tous les niveaux.
L’enquête a mis en évidence l’immense travail qu’il reste à faire pour aider les associations de ces pays où la décentralisation reste souvent une promesse plus qu’une réalité. Les textes constitutionnels de la plupart de ces pays prévoient la mise en œuvre d’un processus de décentralisation mais celui-ci reste très souvent lettre morte suite aux circonstances politiques et aux carences du cadre législatif prévu.
Dans la plupart des cas les associations sont basées sur une adhésion volontaire des membres mais ceux-ci n’ont pas les moyens de faire vivre une structure indépendante et efficace. Le budget de ces associations est trop faible. Les secrétariats sont dotés de quelques personnes, ne disposant pas de ressources de travail adéquates, alors que les besoins sont importants et multiples.
L’on comprend bien alors que, dans un tel contexte, les associations africaines d’autorités locales ont de grandes attentes des donateurs internationaux et notamment de l’Union Européenne. Ces attentes concernent non seulement l’aide financière mais aussi le soutien en termes de connaissances et d’expertise.
La Commission Européenne, suite à la Communication publiée en mai 2013 sur le rôle des autorités locales dans la coopération pour le développement et la bonne gouvernance, a désormais placée la décentralisation en haut de l’agenda de la politique européenne pour l’aide au développement. Nous sommes à un tournant pour la mise en place d’un nouveau modèle de développement basé sur la gouvernance locale et l’efficacité de l’aide.
Cependant la décentralisation est une question de volonté politique qui dépend principalement des gouvernements centraux, pas toujours enclins à céder une partie de leurs pouvoirs et de leurs compétences, et surtout à conférer les ressources financières nécessaires. Les acteurs du terrain, les élus, les responsables des associations ont un rôle majeur dans le dialogue avec l’Etat central et ont besoin d’être soutenus dans cet exercice. Les mouvements internationaux come CGLU ainsi que l’AIMF, CLGF etc. sont les enceintes vouées à nourrir ce processus. Il est alors positif que la Commission Européenne ait enfin reconnu leur rôle et ait établi un partenariat stratégique avec ces réseaux internationaux pour qu’ils puissent mieux remplir leur mission.
Dans cette dynamique d’ouverture nouvelle de l’Union européenne par rapport à sa politique pour le développement, j’ai constaté avec intérêt, dans le cadre de l’enquête, que plusieurs associations nationales ont noué un dialogue avec les délégations de l’Union Européenne dans leur pays et qu’il est question pour elles de bénéficier du soutien de l’UE pour leur fonctionnement. Il s’agit là aussi d’un progrès qui marque la volonté de l’Union Européenne d’apporter un appui concret à la gouvernance locale en Afrique et à ses promoteurs que sont les associations d’autorités locales.
Ce nouveau cadre stratégique pourra et devra contribuer à renforcer les associations nationales africaines. La section africaine de CGLU, CGLUA Afrique, guidée par Jean Pierre Elong Mbassi (qui a eu un rôle crucial dans le processus qui a mené à la reconnaissance des autorités locales comme acteurs du développement) aura une mission primordiale et représentera un centre de ressources remarquable pour les associations africaines et leurs collectivités territoriales membres.
La question de l’aide matérielle et de la formation sont très probablement prioritaires pour les associations d’autorités locales africaines. Tous les acteurs et donateurs, à tous les niveaux, élus et experts, hommes et femmes, de tous les pays, et notamment d’Europe, peuvent apporter leur pierre.
Avec une population qui devrait plus que doubler à l’horizon 2050 pour dépasser les deux milliards d’habitants, dont la moitié aura moins de 25 ans, l’Afrique fait face à des défis structurels inédits. Son évolution démographique est une opportunité de croissance économique mais elle va bouleverser les équilibres territoriaux, comme le rappelle un Rapport publié par la Banque Africaine du Développement cette année (1). En Afrique les niveaux de développement humain ne cessent de s’améliorer depuis 2000 et 17 sur 52 pays ont atteint un niveau de développement intermédiaire ou élevé. Cependant, les taux de pauvreté demeurent très élevés et les progrès de la santé, de l’éducation et des revenus sont inégaux. D’immenses inégalités persistent entre pays et en leur sein, et aussi entre femmes et hommes.
Le développement en Afrique passe par le développement local.
Les besoins sont énormes mais, comme l’a dit Jean Pierre Elong M’bassi dans une émission à RFI (2) «Les collectivités locales ne sont pas une menace pour les Etats (..). La décentralisation en Afrique est la réponse à une forte demande de participation sociale des populations (…). Les Etats ont désormais compris l’intérêt de la décentralisation…, qui est désormais en marche ».
Les Etats membres de l’Union Africaine ont adopté en juin 2014 « la Charte Africaine des valeurs et des principes de la décentralisation, de la gouvernance locale et du développement local ». Cette Charte, s’inspirant de la Charte Européenne pour l’autonomie locale (3), représente un énorme pas en avant pour la gouvernance locale en Afrique et la bonne gouvernance tout court.
J’écris cet article à la veille d’Africités, qui aura lieu cette année à Johannesburg fin novembre, un rendez-vous unique pour les élus et responsables locaux africains. J’ai participé pour la première fois à Africités à Dakar, en 2012 : j’étais impressionnée par l’organisation formidable, le très grand nombre de participants, mais surtout par la qualité des réflexions et l’enthousiasme des débats. C’est l’état d’esprit de la construction de l’Afrique de demain ! Un environnement dynamique pour les associations d’autorités locales d’Afrique, malgré les difficultés qu’elles rencontrent. La décentralisation est en marche en Afrique et elle ne peut pas être arrêtée. Il faut l’accompagner et la soutenir pour que les promesses deviennent réalité.
1)Perspectives Economiques en Afrique, publiées à l’occasion des 50èmes Assemblées annuelles du Groupe de la Banque Africaine du Développement
2)Emission d’Alain Foka du 1 décembre 2012 sur RFI avec Jean-Pierre Elong Mbassi, secrétaire général de CGLU Afrique.
3)La Charte Européenne de l’autonomie locale a été lancée par le Conseil de l’Europe en 1985, après adoption du Congrès des Pouvoirs Locaux et Régionaux et est entrée en vigueur en 1988. Cette Charte est le premier instrument juridique multilatéral à garantir le principe de subsidiarité par les Etats membres du Conseil de l’Europe, principe selon lequel les pouvoirs locaux doivent gérer et contrôler une partie importante des affaires publiques dans l’intérêt de la population locale et sous leur propre responsabilité.